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17 janvier 2009 6 17 /01 /janvier /2009 20:29

Tant de choses se sont passées depuis la dernière fois que je prenais la plume ici, il y a bientôt un an.

Janek est mort, parti faire des tours en voiturette avec Dosia, dans la grande nébuleuse au-delà de nous.

Dieu veuille qu’il en fût ainsi.  Moi, je ne sais pas.  Je ne sais que ce trou béant qui revient à la surface de temps en temps.  Et la ferme volonté que ce trou ne soit pas juste béance, qu’il donne vie, aussi, à d’autres possibles.  Pour moi, pour Ala, pour nous tous, pour ses amis des quatre coins du monde, pour les prisonniers de Birmanie, d’Iran et d’ailleurs.

Pour reprendre le fil de ce parcours, je dois à l’histoire de placer ici ces quelques « vieux » textes, que j’avais préparés pour le blog en août dernier. 

Il y a la nécro de Janek, sa biographie, un hommage que je trouvais à ce moment là particulièrement juste, un texte que j’avais écrit pour l’un de ses blogs, et, sans doute, des états d’âme que je poste sans relire.  

Il faut ça, sans doute, pour que j’avance.

 

Encore une fois, trop d’événements indicibles.

Janek est parti, j’allais dire sur la pointe des pieds, ce qui est de l’humour très mal placé. Il est allé rejoindre Dorotka, et je les vois faire des tours fous en voiturette.

Bien 500 personnes à l’église, de toutes couleurs et conditions.  Durant la Communion, je regardais les pieds.  Il y avait de jolis mocassins, des sandales avec chaussettes, des pieds nus dans des chaussures déformées, des ongles vernis et des basquets.  Et celle magnifique Africaine.

Comme souvent, ce sont été des jours pleins d’amour et de tendresse.

Le manque est terrible.  Il n’est pas physique, comme pour Dorota.  Mais prsque chaque jour, je me surprends à « je demanderai à Janek », j’envoie ceci à Janek.. Parce que la blague est bonne, parce-que je suis contente, parce que je ne sais pas.  Nous nous voyions peu, nous nous parlions peu, mais quand nous nous parlions, c’était plein.

Le manque aussi de la personne qui m’était la plus jumelle.  Bien sûr, lui est un grand homme, un homme public, dont le charisme dépasse de loin celui du commun des mortels.  Moi non. Mais nous nous ressemblons physiquement et dans cette manière émotionnelle d’appréhender la vie, les relations, la politique…  Voilà quatre mois, et ce n’est pas moins dur.

En même temps, je vais plutôt bien.  Comme si quelque chose de fondamental, des racines, avait changé en moi.  Je suis relativement sereine, et passe à travers ce que la vie m’offre avec une force nouvelle.  Dont je pense, depuis quelque temps, qu’elle me vient de lui.  Peut-être est-ce du phantasme, mais sinon, je ne sais pas d’où cela me vient.  Janek et Dorotka.

C’était le 8 avril.  Beaucoup a été écrit.

 

 

« Please use your freedom to promote ours »

Aung San Suu Kyi

Il a vécu 52 ans aussi fort qu’on peut vivre.

Ce 7 avril 2008,

Janek KUCZKIEWICZ

a inopinément quitté ceux qu’il aimait, ceux qui l’aimaient.

Vous en font part avec une infinie tristesse, mais heureux d’avoir pu cheminer avec lui,

FrançoiseWALLEMACQ,                      sa compagne;

Alice,                                                      sa fille;

Michelle PIVIN,                                      la maman d’Alice;

Mik, Bogna, Hanka et Jurek KUCZKIEWICZ,

Maciek et Ewa KUCZKIEWICZ,

Ysaline, Pierre, Quentin et tous ses filleules et filleuls de coeur,

Ses oncles, tantes, cousines et cousins en Pologne,

Et ses amis des quatre coins du monde.

 

Nous nous retrouverons autour de lui en toute simplicité ce

samedi 12 avril à 11 heures en l’église Saint-Joseph, avenue d’Oppem 149 àWezembeek-Oppem.

Si vous désirez manifester matériellement votre attachement à Janek, il aurait été heureux que vous le fassiez au bénéfice d’Escalpade, au numéro de compte 191-0517841-21.

www.metaljanek.be

1950 Bruxelles, avenue Hébron, 128.

Pour qui ne le connaîtrait pas, la nécro de la CIS

La CSI est profondément attristée par le décès soudain et prématuré de notre directeur du département des droits humains et syndicaux, Janek Kuczkiewicz, à son domicile à Bruxelles, le 7 avril.

Toute personne ayant connu Janek a, sans aucune doute, dû être impressionnée par son profond et constant engagement en faveur de la démocratie, des droits humains et, plus particulièrement, des droits des travailleurs et des travailleuses. Il a soutenu cette cause avec une détermination et un dévouement exemplaires qui ont inspiré tout son entourage et qui lui confèrent une place unique dans l’histoire du mouvement syndical international.

Aucun défi n’était trop grand pour lui et aucun obstacle n’était insurmontable. Il a refusé d’accepter que toute adversité, voire risque à l’encontre de sa propre sécurité, le dissuadent de poursuivre sa lutte pour la justice et la dignité humaine dans le monde entier.

Janek Kuczkiewicz est né à Wilrijk, en Belgique, le 23 juin 1956 et a été scolarisé à Anvers, à Bruxelles et à Tucson, Arizona. Il a été licencié, avec mention cum laude, en philosophie à l’Université catholique de Louvain, Belgique, en 1981. Il a travaillé dans le journalisme et la politique au cours de ses études universitaires et a été étroitement lié à Médecins sans frontières tout au long de sa vie adulte.

Il s’est joint au mouvement syndical international en 1982, en travaillant au sein du département de politique économique et sociale de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), où il a occupé une place centrale dans le mouvement international en faveur du syndicat indépendant Solidarnosć dans le pays de ses aïeux, la Pologne. Il a également participé activement à la campagne destinée à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud.

Au fur et à mesure que ses connaissances et son expertise en matière de droits humains et syndicaux à l’échelle internationale s’élargissaient, il a assumé toute une série de responsabilités de plus en plus grandes et a établi un réseau sans précédent de contacts internationaux dans le mouvement syndical, avec des organisations de défense des droits humains et au sein du système des Nations unies, en particulier à l’Organisation internationale du travail (OIT). Il a recouru à ce réseau en vue d’avoir un impact considérable sur les campagnes destinées à promouvoir et à défendre les droits syndicaux dans des pays aux quatre coins du monde et de faire avancer la cause syndicale dans les lois et la pratique internationales. Sa maîtrise de six langues, son ouverture aux opinions et idées d’autres personnes et son expertise en matière de politique et de droit internationaux étaient des qualités dont il a pu tirer avantage.

En 2003, il a été nommé directeur des droits humains et syndicaux de la CISL, fonction qu’il a continué d’occuper à la CSI dès son Congrès fondateur en novembre 2006. Il a exercé la fonction de conseiller auprès du Groupe des travailleurs à la Commission de l’application des normes de l’OIT lors des Conférences internationales du travail annuelles de 2002 à 2007 et a contribué dans une grande mesure au développement de la jurisprudence de l’OIT moyennant la préparation et la présentation de cas à son Comité de la liberté syndicale ainsi qu’à sa Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.

Il a également été rédacteur en chef du Rapport annuel des violations des droits syndicaux, recueil officiel à l’échelle mondiale de lois et de pratiques nationales comprenant une documentation détaillée de cas individuels de répression antisyndicale, notamment des emprisonnements, assassinats, tortures et autres formes de violence de la part de gouvernements et d’employeurs sans scrupules.

Une caractéristique saillante de son travail était sa volonté, à tout moment et souvent dans des circonstances difficiles, voire dangereuses, d’apporter une solidarité et un soutien directs aux syndicalistes confrontés aux assassinats, à la répression, à la violence ou emprisonnement, récemment dans des pays tels que la Colombie, la Guinée, le Guatemala, Haïti, la Corée et le Népal. Fervent défenseur de la démocratie et des droits des travailleurs et des travailleuses en Birmanie, il était largement reconnu comme le fer de lance dans le cadre des pressions exercées et maintenues à l’échelle mondiale contre la junte militaire de ce pays et son recours systématique au travail forcé. Il a joué un rôle clef dans les décisions prises par l’OIT pour entreprendre des Commissions d’enquête au Bélarus (en matière de droits syndicaux) et en Birmanie (en matière de travail forcé), et la décision historique de l’OIT à la suite de l’établissement de la Commission d’enquête sur la Birmanie d’invoquer l’Article 33 de la Constitution de l’OIT en ce qui concerne ce pays. Parallèlement, il a constitué la pierre angulaire de la solidarité syndicale internationale avec les travailleurs et travailleuses au Cambodge, en Chine, en Iran, au Zimbabwe, ainsi que dans de nombreux autres endroits. En outre, il s’est servi de ses talents et de ses contacts pour contribuer à résoudre les problèmes d’un grand nombre de personnes de tous horizons.

Janek restera également gravé dans nos mémoires pour sa cordialité, amitié, humour et engagement personnel. Il a placé la barre très haut, et à travers son exemple il est parvenu à faire ressortir le meilleur de tous ceux qui ont travaillé avec lui. Il était champion d’escrime, violoncelliste classique et, bien qu’il ait perdu ses jambes dans un accident lorsqu’il avait un peu plus de vingt ans, il était un navigateur accompli. Le mouvement syndical international a eu de la chance d’avoir été choisi par lui pour y faire entièrement fructifier son intelligence, son énergie irrésistible et son engagement à toute épreuve.

De nombreuses personnes doivent leur libération de prison, leur délivrance de la tyrannie, leur sécurité à l’étranger, voire leur vie, à l’action de solidarité mondiale qu’il a entreprise, coordonnée et soutenue, souvent dans des circonstances extrêmement difficiles. Les expériences de ces personnes témoigneront à jamais de la vie et des exploits de Janek Kuczkiewicz.

Sa fille, une sœur, deux frères, sa compagne et la mère de sa fille lui survivent.

 

De tous les messages parvenus des quatre coins du monde, dans le livre de condoléances la CIS, je reprends celui-ci, qui dit Janek très justement.

To Janek’s family and loved ones, his children and stepchildren, my deepest condolences. Thank you for sharing Janek with us for these past years: the international trade union family is diminished by this great loss and we are grieving with you.

I write now, my dear brother Janek, after your funeral at which, through our tears, we celebrated and gave thanks for your life with us and sought to say our farewells. What more can I add to the tributes others have paid to your professional integrity, your courage and tenacity, your dedication to free trade unionism and your love of universal human rights? You were a colleague and a mentor, a leader and a servant. You were a pluralist who detested those who used force to impose their will – yet you could be forcefully convincing yourself; you were dedicated to reason - yet on occasion you could be pretty unreasonable.

You shaped us, Janek. Next week we meet to prepare the ILO Conference Standards Committee. You won’t be there physically, but you will be deep in our hearts. The professional loss for us all is immeasurable - in the ITUC, the ILO, for workers everywhere and especially those touched most profoundly by the fire in your soul – not least in Belarus, China, Colombia, Iran, Zimbabwe, and in your beloved Poland and Burma. “From every mountainside, let freedom ring!”

Like so many others who knew and loved you, I shed even more tears because I had the privilege of your friendship. That friendship – and your wicked humour and joie de vivre - made your impatience and tendency to blunt criticism both valuable and bearable. In recent years our careers developed parallel paths - you were six months younger than me and we confided our plans for the future. I will cherish memories of working with you in Geneva, Brussels, Colombia and, most recently, in Guatemala where we ate dinner together before you left to visit Tikal – though I warned you that, unlike Machu Picchu or the tracks of Petra, you wouldn’t be able to climb the wooden ladders up the Mayan pyramids “on your arse”. We shared interests in ancient civilisations and in music, but I fail to understand that we never discovered our shared love of sailing – how great it would have been to have sailed on Lake Geneva under Captain Janek! You were a Mensch who knew that life should be lived to the full!

But my enduring images of you, apart from that beautiful portrait we all now have of you afloat, wearing a film-star smile and your (Russian) master’s cap, will be twofold, bathed in warm sunshine and overlooked by the Jura and the Alps. First, you hauling yourself out of the pool in Ferney before coming for dinner à deux and another discussion, late into the night, about how to defend un sindicalismo civilista y democrático – though we never drank enough vodka together because one of us always had to drive. And second, on the terrace of the R3 coffee bar at the ILO – you rolling out for a smoke, the tubes of your wheelchair conveniently uncapped for use as a mobile ashtray and hearing your stentorian tones issue that affectionate and familiar greeting “Cześć gruby!”

Do widzenia, dear brother Janek; shalom; bon vent! You can never know how much we miss you, but I hope you knew how much we loved you.

Simon Steyne
TUC Senior International Officer; Worker member, ILO Governing Body

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté Paul Eluard, 1942

19 avril

Grand Homme… tu restes mon petit frère…

 

Et je retourne vers le tout début, sans doute l’un de mes premiers souvenirs d’enfance, ta naissance. 

A St Augustin à Wilrijk, toute la famille – ou ce qui en tenait compte, à cette époque- s’esbaudit devant le bébé.  Et moi, sous le petit lit en métal, je pleure déjà, ou encore.  Personne ne me voit, ne m’entend. 

Sur cette base, on construirait une longue histoire de jalousie fraternelle.  Ben non, rien de tel.  Sans doute était-il né pour l’amour, ce petit frère là.

 

Petit frère balloté de clinique en hôpital, pour terminer à l’AZ de Gand.  Dont tu revenais les jambes plâtrées, et puis, on enlevait le plâtre, et voilà qu’elles pliaient dans l’autre sens. Retour à la case départ : AZ de Gand. 

Les parents, au début, n’avaient pas de voiture, et deux, puis trois autres enfants à la maison.  Alors Maman a demandé à Tadzik Wierzbicki qui habitait à Gand de lui rendre visite.  Et Tadzik venait le dimanche midi, raconter des histoires de Janek, contre un waterzooi familial.

 

Puis tu as un peu grandi, Maman t’a emmené à Lourdes.  Lourdes ne t’a pas guéri, mais j’ai toujours cru que tu y avais puisé une part de ta force.  Je n’ai jamais su pourquoi j’ai pensé ça, comme petite fille.

 

Comme l’a dit Jurek, tu n’as eu droit qu’aux droits et devoirs de nous tous.  Juste cette putain de mobylette, alors que nous autres allions à vélo…

 

Puis encore ceci : Maman nous avait toujours dit « chacun de vous est mon enfant préféré: Mik, parce qu’il est l’aîné, toi parce que tu es ma seule fille, Janek parce qu’il a cette maladie, et Jurek parce qu’il est le plus petit ».  Elle répétait cela assez souvent.  Un jour, elle allait assez mal déjà, nous parlions de ses relations avec ses enfants.  Je lui ai dit « mais tu as le droit d’aimer Janek plus !  Ce n’est pas parce que tu l’aimes plus que tu nous aimes moins.  Personne n’y a jamais rien perdu. » Cela avait semblé la rassurer.  Parce que c’est vrai qu’ils avaient avec Janek cette relation épidermique, sans paroles, d’âme à âme.

 

C’est vrai aussi que Janek avait les meilleures mains.  Ceux qu’il a massés peuvent en témoigner.  Ses mains, au bout de son corps malade, guérissaient les maux de tête et les chagrins.  Ses mains abîmées par la voiturette et toujours pleines d’amour.  Tes mains aussi vont nous manquer, Jasiu.

 

Ton premier jour d’école, la fête de tes retours à la maison.

St Mich’, et ton récit hilare de la razzia de jambon que vous aviez opérée dans des assiettes dressées pour un banquet.  Le passage –plus ou moins forcé- de St Mich’ à Don Bosco.  Tes livraisons de pistolets dominicaux ou de journaux dans le quartier.  Les jobs d’appoint, tu les avais commencés tôt.

Cette conversation téléphonique avec Papa, le soir de Noël, alors que tu étais à Tucson, Arizona, avec AFS.

Cette longue soirée dans le couloir de St Luc près de maman, où l’infirmier nous parle pour la première fois de la pompe à morphine, et que Bogna s’empresse d’organiser dès le lendemain.

 

Le départ d’Alice au Mexique, le tien en vacances aux EU, et puis les longues conversations où tu tentais de faire ton deuil de Papa. Et notre conversation avec Jurek près de Papa, où tu étais le seul de nous trois qui depuis des années mettais en oeuvre tout ce à quoi tu croyais.  Nous trouvions que tu avais de la chance.

Une conversation sur la Résurrection…  Tous les mots dits et écrits depuis 10 jours me confirment, aujourd’hui, que la Résurrection c’est toi et nous, aujourd’hui et tous les jours.

 

Tu m’as beaucoup, beaucoup appris, Jasiu, du monde et des hommes qui luttent.  Mais quand nous parlions vraiment, tu étais aussi mon petit frère. 

Alors, nous parlions d’Alice, surtout, centrale à ta vie, même si nous peignions dare-dare son armoire de bébé alors qu’elle allait bientôt rentrer chez vous avec Michelle.  Plus importante que l’armoire encore, sans doute, était ce dessin « baby on board », que tu as bricolé, et collé sur la voiture, tellement il fallait que le monde entier sache que vous aviez une petite fille.

Et du boulot, aussi…   Oh, ce n’est pas avec moi que tu confrontais tes stratégies, ou si peu.  Mon rayon, c’était l’assistante incompétente, ou travaillant trop, ou le collègue déprimé…  ou tes disputes, comment récupérer tes coups de gueule, recruter les meilleurs, gratifier ceux qui le méritaient.  Et c’était ma manière à moi de participer à votre combat.  En échange de quoi, tu m’apportais des badges, des pins ou des auto-collants.  Ma 2CV a porté la liberté du Tibet ; dans le fond d’une boite, je devrais retrouver un vieux collant, que je mettrai sur la Meriva, que tu n’auras pas vue, alors que le coffre est prévu pour ta voiturette.

 

Et de Michelle, en peine trop souvent.  De tes amis, aux quatre coins du monde. De nous quatre.

Et de Françoise, enfin.  Avant. « comment je fais ? » Comme si j’étais une référence… Pendant. Comment lui dire ton amour sans la brider. Et ç’a été, finalement, à côté d’Alice, ton amour le plus adulte, le plus respectueux, le plus égalitaire. Ton amour d'homme.

 

Voilà, Jasiu, un peu de ce dont je veux qu’il reste aussi des traces. 

Le reste est indicible.

Le manque de toi aussi.

 

Hanka

 

11 mai

Comme si l’on pouvait, Jasiu, par le biais de ces sites à ta mémoire, continuer à t’écrire , indéfiniment. Comme je me surprends à appeler encore ton répondeur ; «  Janek Kuczkiewicz, CISL-ICFTU, leave your message after the beep », juste pour entendre ta voix. Comme un mauvais rêve, dont on espère se réveiller le matin, avant de reprendre le boulot.

Comme toutes ces questions, « je vais demander à Janek », c’est tellement naturel, même si ce n’est pas quotidien.  C’est proprement insupportable, Jasiu, que tu ne répondes plus.

Alors qu’aux questions importantes, tu répondais toujours par retour.  La Guinée-Bissau, pour moi ou pour mes amis, tu étais toujours là.  Et maintenant, à qui je vais les poser, mes questions, sur le monde ?

Je fais bonne figure, Jasiu, enfin, j’essaie, mais c’est tellement dur de ne plus partager avec toi.  Le beau comme le noir.  

 

17 mai

Drôle de journée, en « stand by ».

A Bruxelles, ils sont ensemble, autour de Janek. 

Janek allait, aujourd’hui, fêter ses adieux à Bruxelles et son départ pour Genève.

Ceux qui s’y retrouvent ne se connaissent pas nécessairement, mais sont là, chez Natacha et Benoît, autour de lui.

Moi, à Parme, incapable de faire beaucoup.

Même si le lunch chez Jean-Lou était joli.  JL presque calme, et plus centré sur moi que sur lui-même. Tentant de me gâter, en musique, nourriture et pousse-café.

Mais l’absence de Janek est présente tout le temps.

Je savais qu’il faisait beaucoup, pour la Birmanie, le Tibet, les autres…

Je savais que c’était la personne la plus charismatique que je connaisse.

Je savais que je l’aimais.

Ce que je ne savais pas, c’est combien il était présent dans ma vie quotidienne. 

Combien de fois, depuis qu’il n’est plus là, je me surprends à des conneries comme « je vais demander à Janek », ou « Janek sait ça ». 

Quand Dorota est morte, c’était d’amour brut que j’étais amputée.

Avec Janek, au-delà de l’amour et de la gemellité, c’est aussi du savoir et de l’histoire que je perds.

 

3 septembre

Bientôt 4h du mat ‘, et au lieu d’aller dormir, je lis ou je re-lis les sites de Janek.

De préparer sa messe de samedi prochain m’a replongée dans son absence.

Normalement, dans ma vie quotidienne, c’est sa présence que je vis, persuadée que je suis de lui devoir ma nouvelle sérénité, cette solidité inconnue, une forme de sagesse…

Et là, c’est de la cruauté de son manque que je sanglote à nouveau.

Je cherchais une belle photo à mettre sur la brochure de la messe à Ciezkowice.  Suis allée puiser sur le site de la CIS, « la photo de la manif » qui a fait le tour du monde, Mansoor Osanloo en bannière .

Et sur ce site – que je croyais fermé – je trouve Maung Maung, de Birmanie, une cousine, une amie, un amant…

Et je voudrais tellement, tellement, le prendre dans mes bras, sentir physiquement sa force et son amour.

Et ça redevient insupportable.

Et j’ai peur de ce voyage en Pologne.

Alors je les appelle à la rescousse, Janek, Dorotka, au secours !

Et demain – dans 4-5 heures, j’irai travailler, le cœur dans les mollets.

Encore heureux que le ciel soit clair, l’air presque sec, et la petite brise réconfortante.

 

17 janvier 2009

Depuis la mort de Dos, je n’arrive plus à toucher l’accordéon.  Depuis celle de Janek, je n’arrive plus à écrire, outre mes mails circulaires.

La vie, cependant, coule toujours, avec des méandres plus ou moins joyeuses.

Mon contrat à l’EFSA n’est pas renouvelé.  Je veux le voir comme une libération, comme la possibilité de choix nouveaux.  Même si je suis très, très fatiguée de devoir choisir si souvent.


Jurek s’est marié le 18 octobre dernier. 

Il semble heureux.  Et cela est plus important que tout.

Ma famille se racrapotte, mais j’y puise toujours le fonds de mes racines, et la jeune génération me donne ce qu’elle peut d’histoire continuée, de possibilité de transmission et de tendresse.


Mes amis sont toujours aussi précieux, aussi beaux, aussi généreux.


Ma communauté paroissiale trace un fil rouge à ma vie, fût-ce à distance, et nourrit mon besoin d’appartenance.  Parfois, elle me tire aussi vers le haut. Suscitant les bonnes questions. Comme lors du jamboree Taizé de décembre dernier. Me renvoyant sans cesse au sens de ce que je fais dans ma vie quotidienne. Ici ou là.


Et je bénis Maman pour la force de vie qu’elle nous a transmise.  Sans cela, je crois que je serais déjà morte.  Dix fois.

 

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29 novembre 2007 4 29 /11 /novembre /2007 02:56

dix-petits-n--gres.jpg
Cela sent Agatha Christie.  Le suspense en moins, la tristesse en plus.

D’abord Kirsti. Cadeau un peu amer des derniers jours.

Aujourd’hui, souper à la maison avec Bart et Marta.

A un moment, suite à une remarque de Marta, Bart, les larmes aux yeux, se mouche dans sa serviette  orange.  Chez moi aussi, tiens, ça coule.

Peu importent le nombre de moments que nous avons passés ensemble.  Il y en a eu assez bien, avec Bart. 

Dont celui, étrange, où je lui sers une procédure, et lui, en colère, retient ses larmes.

Et moi, ensuite, en sanglots, surprise par Herman.  Qui me rassure sur le respect que me portent mes collègues scientifiques. 

Et le ballotin Neuhaus que me ramène Bart de Bruxelles.  
Sans paroles. Mais plein d’autres choses, finalement.

Des bières, au coin du jour.

Une remarque, plus ou moins sarcastique.

Et au fond du fond, une vraie foi en l’humanité, en la fraternité, dans la potentialité des hommes et des femmes d’être généreux.

Le premier pionnier qui quitte l’EFSA.  Après Nicole et Geoffrey.

C’est une bise d’humanité qui quitte l’EFSA, là.

Et l’EFSA ne sera plus jamais la même.

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25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 21:12
Dolce-vita-A-Ekberg.jpg
Il n'est pas nécessaire de plonger dans la fontaine de Trevi pour se faire tremper à Rome.  Les intempéries d'automne y suffisent amplement.  Elles seraient même, à la limite, prévisibles.
Ce qui ne l'est pas, par contre, c'est une marée puissante au deuxième étage d'un bus touristique.  Les jambes relevées à angle obtus - excellent exercice pour les fessiers et les aducteurs - cramponnées, moi, à ma robe que j'essayais péniblement de protéger du déluge, et Teresa à son manteau.  Fou-rires partagés avec les touristes Allemands et Anglais devant nous.
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21 novembre 2007 3 21 /11 /novembre /2007 00:35
Kirsti est blonde comme la Finlande. 
Kirsti-dinner-045.jpg
Sa fille Hilda est cacao, cannnelle, mélange de Finlande et de Ghana (enfin, je pense).
Kirsti a passé un an dans l'équipe recrutement, et retourne demain en Finlande, avec Hilda et Emmanuel.
Je n'ai jamais travaillé avec elle, mais passer devant son bureau et échanger deux mots avec elle avait un goût de menthe et de camomille.
Et que le manque d'accompagnement dans son départ me révoltait.
Voilà 5 jours que nous fêtons leur départ.
Encore une de ces brèves rencontres que je ne comprends pas bien.  Pourquoi j'ai tant fait ?  le souper chez moi, le drink à l'Aquolina, le poster photos, et même le souper de ce soir chez Jean-Lou.
Peut-être parce que Kirsti est juste normale et humaine? peut-etre parce que nous n'avons ni passé ni futur en commun ?
 Et que Hilda est si belle, si douce, si caline et tellement différente qu'aimable sans modération ?
Kirsti-dinner-049.jpgKirsti-dinner-040.jpg
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9 juin 2007 6 09 /06 /juin /2007 14:04

J’aime ces moments bénis et sans contrainte, où rien ne semble devoir troubler ni la lumière ni la chaleur d’un soleil généreux, ni la petite brise, ni la douceur de vivre en Italie.

 

Cette espèce de lenteur langoureuse qui permet aux gens de se parler en souriant, de s’intéresser à à toutes les petites choses qui se passent.  Les conversations au bureau de poste, dernier endroit, direz-vous  - une file aux recommandés -  où il ferait bon vivre.  Et pourtant…  D’autant plus si le recommandé que je vais chercher est le prochain épisode de « La Piovra », et non une amende.

 

Le bijoutier qui prend le temps, non seulement de me changer la pile de la montre achetée à Venise pour trois sous deux cents,  mais d’en vérifier le mécanisme quelque peu enroué.  Le Ferramenta qui tient à me monter, en plus du filtre ADSL que lui demande, les autres systèmes, qu’il connaît peu, d’ailleurs. Des figues fraîches.  La boulangère qui se pâme à l’odeur de la tarte au fromage frais et basilic qu’elle me sort de l’étal « a quest’ora… » disons-nous de concert.

 

Et les gens se hâtent lentement, dirait le philosophe.

 

Une fois estompées les ordeurs de sugo al ragu du samedi, ils plongeront dans la torpeur de cette chaude après-midi d’été.

 

 

Sans contraintes, disais-je.  Parce-que je peux traîner.  Parce-que je peux me permettre les courses dans les petits magasins du quartier. Parce que j’apprécie tous ces cadeaux, que je décide de les prendre à bras le corps, de m’en envelopper, pour m’en réchauffer l’âme.

 

 

Les moments passés n’ont pas été simples.  J’ai reçu beaucoup, bien sûr, et ils se sont terminés, les deux derniers week-ends, par des visites délicieuses.

 

 

Il y a eu Majowka, et la Confirmation, où j’ai bien cru que ma réserve de kleenex n’y suffirait pas. Et puis il y a eu la rose de Tommy, les cadeaux de Brigitte, et l’affection de Marie-Cécile et des autres.  Le déjeuner chez la maman de Ale, et le souper impromptu et n’en finissant pas chez Janek.

 

Et le retour au boulot, où je me trouve un gâchis de première.  Mais je suis arrivée à le dire, sans trop d’émotion. 

 

Et où je pense que je change vraiment.  Moi qui, dès qu’une possibilité s’offre de me sentir coupable ou « insuffisante », aujourd’hui, je laisse couler. Et en prends le meilleur, en attendant la fin de la journée, de la semaine, ou les prochains arrivées ou départs.

 

 

Il y a eu Barcelone, magnifique.  Ce sentiment d’être vraiment chez moi dans les bâtiments de Gaudi, de me remplir de toute la beauté offerte. Et un entretien dont j’étais contente.  Parce qu’a contrario de ce que je vis quotidiennement, je peux intéresser par mes compétences professionnelles.

 

 

Il y a eu la fête avec les Polonais de Parme : quel plaisir de les voir se sentir bien.  Et moi, comme toujours, laissant venir, faire, parler, danser.  Vérifiant l’état des bouteilles, mais sans plus.

 

Il y a eu les pluies torrentielles, et leur bruit fracassant sur le vélux de mon bureau.

 

 

Et puis il y eu Marie-Cécile et ses hommes, détendus tous les trois, une merveilleuse complicité et gentillesse entre eux.

 

Et aussi Françoise et Brigitte et leurs hommes respectifs. Quand des amis me parlent de leurs amis d’université, je suis toujours surprise.  Mais moi aussi, après tout.  Juste que Françoise est si proche, elle fait partie de ma vie, que je ne la pense pas en ces termes.  Brigitte, je la vois moins, mais je suis ses aléas de loin en loin. Ben oui, nous avons étudié et fait la fête à Louvain, nous avons joué au foot.  Beaux souvenirs, bien sûr, mais aujourd’hui, elle est chef d’un service de soins palliatifs. Et Françoise a continué son chemin avec logique.  Leur visite : 36 heures bien jolies.

 

Bien sûr, rien n’est réglé.  Bien sûr, l’absence est cruellement douloureuse, et tord quelque fois le diaphragme, l’estomac et le cœur.  Elle s’inscrit doucement dans mon corps, et s’exprime quand par des larmes, quand par une infinie tendresse. Sans exutoire, bien sûr.  Parce que personne, rien, jamais ne pourra plus la recueillir.

 

 

Mais je peux aujourd’hui recevoir avec gratitude ces petits cadeaux que la vie m’offre.

 

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31 mars 2007 6 31 /03 /mars /2007 23:30

 

Ma grand' tante Alina, celle de Sopot, celle dont j'ai hérité "des restes d'une fortune de magnat", soit 7 verres à vin blanc de cristal, dont un au pied cassé, deux tasses à thé en porcelaine de Chine, dont une avec la sous-tasse, 5 coupelles, ...et l'ombrelle.  Ma ciocia Alina, chez qui j'ai fêté mes uniques fiançailles,.

Ciocia Alina, donc, lorsque, fraîche épouse, s'est mise à cuisiner une soupe, a pris la brosse à vaisselle et du détergent pour nettoyer les légumes - "si sales". 

Ciocia Alina reste la plus proche à mon coeur, de sa génération.  Pour sa fantaisie, son humour indécrottable, sa capacité à s'accomoder des circonstances. Son grain de folie, quoi.  Nous avons tous une tendresse particulière pour Ciocia Alina, la cigale des soeurs Chomicz.

Moi, la panna cotta, je la fais à l'orange, arôme et zestes d'orange à l'appui.

Pour l'arrivée d' Ale et famille (cherchez l'erreur!) , demain, il fallait un dessert de choix.

1/2 litre de crème fraîche, 200 gr de sucre semoule, 2 verres de Vodka (j'accomode, je sais, le rhum de la recette, bon sang ne saurait mentir), et je vous passe le lait, la gélatine et le sucre vanilliné.

Fin cuits, mélangés, malaxés, versés dans le moule qui devait donner le plus joli résultat.

Posé sur le bord de l'évier - tiens, c'est quoi ce liquide laiteux dans l'évier ? -

et passé dans l'évier.

Il reste du divin mélange une cuillerée à café par personne.  Et je vous passe la présentation. Tup, surgélation...

Comme quoi, n'utilisez pas le moule extensible pour la panna cotta !

 

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21 mars 2007 3 21 /03 /mars /2007 22:38

Par où commencer ?  j'ai l'impression que cela fait si longtemps que je n'ai plus écrit...

 

Et rien que l'idée d'aligner tous ces mots me fatigue ;-))

 

Peut-être raconter la journée d’aujourd’hui ?  Elle donne la couleur de ces derniers jours.  Comme le ciel sur Parme, ce soir : d’un côté une merveilleux coucher de soleil dans les orange, la silhouette du Dôme et du Baptistère se dessinant clairement, et de l’autre un nuage noir, menaçant, et qui peu de temps après se déverse avec fracas sur le vélux de mon bureau.

 

Mon humeur pareille, du noir au mauve tendre, plusieurs fois par jour.  Et ce n’est que ce soir que je me rends compte de la date.  Bien sûr. 

 

Globalement, je vais plutôt bien.  C’est vrai.

 

C’est vrai aussi que je m’amuse beaucoup dans ce projet.  Rarement en aurai-je connu d’aussi gratifiants.  Les évaluations de performance, les descriptions de fonctions,les promotions, les renouvellements, …tout cela touche les gens, sans doute.  Donc, ils régissent, acceptent de se former, posent des questions, ont envie de faire les choses bien…  Et c’est toute la boite qui marche dans le projet.  « So far so good », comme dit GS.

Cet après-midi, allant boire mon café (d’après déjeuner, il  était 15h45, je pense, pour dire que je bosse quand même), je tombe sur une tablée (AC, ML, LR, pr les connaisseurs) qui, hilares, me disent « Hanka,tu veux venir t’asseoir à la table des loosers ? ».  J’étais choquée, à part Antoine, qui a perdu beaucoup, ces derniers temps, et fait pitié à voir, je trouvais cela inapproprié.  Et ne me suis pas privée de le leur dire, bien sûr.  Qu’ils ne devraient même pas dire cela à haute voix.   Que de le dire, ils se sentiront comme cela, se comporteront comme ça, se tiendront comme ça, donneront cette image là, et seront perçus comme tels.  Et que moi, je vais bien, merci.  En fait, cela m’a mise en colère.

 

Bref.

 

Réunion avec DD (mon nouveau chef) cet après-midi.  Où j’ai – pour la première fois depuis longtemps -  pris la main.  Et je ferai les descriptions de fonctions de l’unité.  Et je proposerai les objectifs.  Sous le couvert  - mais pas seulement - l’aider, je me pose/place.  Chose que je fais assez mal, ces derniers temps.

 

Et puis, mon éclat de rire de la fin de journée : je suis invitée à Barcelone.  Le 21 mars, je suis invitée à Barcelone pour un entretien le 15 mai (Sainte Sophie, fête de maman) !.

 

Ces clins d’œil entre les nuages me font vraiment sourire.

 

Le confort, aussi, alors que je commence à me sentir vraiment bien ici, au moins, je voyagerai – oui, sorry, aux frais du contribuable européen. 

 

Avant, nous avons eu : Venise : magnifique, sous un soleil éclatant (et un B&B à recommander !), quelques guindailles avec Bernard, un souper chez l’ange – qui fermera le 19/04 – Panta rhei ! – et une répét de récitations, en polonais, de textes de et à propos de JP II.  Qui seront présentées le 1er avril -  anniversaire de sa mort.  Commentaire de la metteuse en scène en fin de repet : « franchement, Hanka, c’est pour moi une découverte ».  J’ai pris mon air timide, comme il se doit, et me suis délectée, dans ma Ford intérieure.

 

Ah oui, à propos de Ford : je penche pour la classe A, pour le moment.  Juste à vérifier la qualité/prix d’une version plus écologique.

 

Parmi les bonnes nouvelles, aussi : Paolo D. a un petit garçon, Martin.  Né hier.

 

Demain est autre jour, et après-demain, Bogna arrive !

 

 

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