J’aime ces moments bénis et sans contrainte, où rien ne semble devoir troubler ni la lumière ni la chaleur d’un soleil généreux, ni la petite brise, ni la douceur de vivre en Italie.
Cette espèce de lenteur langoureuse qui permet aux gens de se parler en souriant, de s’intéresser à à toutes les petites choses qui se passent. Les conversations au bureau de poste, dernier endroit, direz-vous - une file aux recommandés - où il ferait bon vivre. Et pourtant… D’autant plus si le recommandé que je vais chercher est le prochain épisode de « La Piovra », et non une amende.
Le bijoutier qui prend le temps, non seulement de me changer la pile de la montre achetée à Venise pour trois sous deux cents, mais d’en vérifier le mécanisme quelque peu enroué. Le Ferramenta qui tient à me monter, en plus du filtre ADSL que lui demande, les autres systèmes, qu’il connaît peu, d’ailleurs. Des figues fraîches. La boulangère qui se pâme à l’odeur de la tarte au fromage frais et basilic qu’elle me sort de l’étal « a quest’ora… » disons-nous de concert.
Et les gens se hâtent lentement, dirait le philosophe.
Une fois estompées les ordeurs de sugo al ragu du samedi, ils plongeront dans la torpeur de cette chaude après-midi d’été.
Sans contraintes, disais-je. Parce-que je peux traîner. Parce-que je peux me permettre les courses dans les petits magasins du quartier. Parce que j’apprécie tous ces cadeaux, que je décide de les prendre à bras le corps, de m’en envelopper, pour m’en réchauffer l’âme.
Les moments passés n’ont pas été simples. J’ai reçu beaucoup, bien sûr, et ils se sont terminés, les deux derniers week-ends, par des visites délicieuses.
Il y a eu Majowka, et la Confirmation, où j’ai bien cru que ma réserve de kleenex n’y suffirait pas. Et puis il y a eu la rose de Tommy, les cadeaux de Brigitte, et l’affection de Marie-Cécile et des autres. Le déjeuner chez la maman de Ale, et le souper impromptu et n’en finissant pas chez Janek.
Et le retour au boulot, où je me trouve un gâchis de première. Mais je suis arrivée à le dire, sans trop d’émotion.
Et où je pense que je change vraiment. Moi qui, dès qu’une possibilité s’offre de me sentir coupable ou « insuffisante », aujourd’hui, je laisse couler. Et en prends le meilleur, en attendant la fin de la journée, de la semaine, ou les prochains arrivées ou départs.
Il y a eu Barcelone, magnifique. Ce sentiment d’être vraiment chez moi dans les bâtiments de Gaudi, de me remplir de toute la beauté offerte. Et un entretien dont j’étais contente. Parce qu’a contrario de ce que je vis quotidiennement, je peux intéresser par mes compétences professionnelles.
Il y a eu la fête avec les Polonais de Parme : quel plaisir de les voir se sentir bien. Et moi, comme toujours, laissant venir, faire, parler, danser. Vérifiant l’état des bouteilles, mais sans plus.
Il y a eu les pluies torrentielles, et leur bruit fracassant sur le vélux de mon bureau.
Et puis il y eu Marie-Cécile et ses hommes, détendus tous les trois, une merveilleuse complicité et gentillesse entre eux.
Et aussi Françoise et Brigitte et leurs hommes respectifs. Quand des amis me parlent de leurs amis d’université, je suis toujours surprise. Mais moi aussi, après tout. Juste que Françoise est si proche, elle fait partie de ma vie, que je ne la pense pas en ces termes. Brigitte, je la vois moins, mais je suis ses aléas de loin en loin. Ben oui, nous avons étudié et fait la fête à Louvain, nous avons joué au foot. Beaux souvenirs, bien sûr, mais aujourd’hui, elle est chef d’un service de soins palliatifs. Et Françoise a continué son chemin avec logique. Leur visite : 36 heures bien jolies.
Bien sûr, rien n’est réglé. Bien sûr, l’absence est cruellement douloureuse, et tord quelque fois le diaphragme, l’estomac et le cœur. Elle s’inscrit doucement dans mon corps, et s’exprime quand par des larmes, quand par une infinie tendresse. Sans exutoire, bien sûr. Parce que personne, rien, jamais ne pourra plus la recueillir.
Mais je peux aujourd’hui recevoir avec gratitude ces petits cadeaux que la vie m’offre.